J’avais 15 ans. Je calculais qu’en l’an 2000, comme on disait, j’aurais 52 ans. Mais l’an 2000, c’était de la science fiction. En 1963, les filles portaient des jarretelles, parce que les panties n’existaient pas encore, et moi des chemises en nylon et des cravates en cuir. Je faisais ma première surboum dans le garage, à l’abri des parents. Je dansais le slow en retenant la nuit, et le twist en donnant 24.000 baisers. Sur les murs de ma chambre, je collais les pochettes des 45 tours que j’écoutais sur un tourne-disques Teppaz. Le ciel n’était pas plus clément pour autant. Il y avait le Congo, la peur de la guerre atomique avec les russes, la mer du nord gelée, que sais-je encore… Le ciel n’était pas plus clément, mais mon regard était plus clair. J’étais jeune. J’ai fait semblant de l’être encore un peu, jusqu’au 6 décembre 2017, quand le type des 45 tours est mort. Maintenant, me voilà vraiment perdu dans le futur…
Benoît.